380 
HISTOIRE MODERNE 
nous disent assez bien ce que devait &tre la societ& fran- 
caise avant le gouvernement personnel de Louis XIV, 
Bien que lettree et fort galante, elle ne s’etait point 
depouillee encore d’une empreinte semi-hbarbare : sous 
les dehors d’une politesse poussee parfois jusqu’au raffine- 
ment, il n’etait point rare de retrouver les moeurs naive- 
ment feroces du moyen äge. La noblesse, toujours pas- 
sionnee pour la guerre, aimant le danger pour le danger, 
allant au feu avec une bravoure insouciante qui faisait 
dire aux Italiens « que les Francais couraient ä la mort 
comme s’ils devaient ressuseiter le lendemain », gardait, 
une fois rentree dans ses foyers, l’humeur agitee et bru- 
tale des camps. Ne pouvant plus se battre contre les enne- 
mis, les plus grands seigneurs se battaient entre eux. Le 
duel faisait toujours fureur, meme apres l’execution de 
Bouteville et de Chapelles, et malgre les menaces de 
Richelieu, qui demeurerent impuissantes. On se battait 
pour les motifs les plus futiles : un gentilhomme en 
provoqua un autre parce qu'il l’avait loue de sa grande 
memoire, et qu'il avait oui dire que c’etait.marque de 
peu de jugement. Ces duels revetaient parfois toutes les 
eirconstances de l’assassinat; on fondait sur son adver- 
saire sans lui donner le temps de degainer , ou bien trois 
ou quatre contre un; ou encore pendant l’action, pour 
degager leur maitre, des laquais venaient par derriere 
transpercer son rival. 
Les femmes encourageaient cette brutalite& des moeurs 
en accordant leurs faveurs & celui qui avait couche le 
plus de braves sur le terrain; elles-memes savaient ä 
Voccasion. manier l’&pee, et l’on se rappelle le röle 
bruyant que de hautes dames jouerent dans la Fronde. 
Les graves magistrats n’avaient pas non plus grande 
horreur du sang. Les ecclesiastiques pouvaient se battre 
sans que leur reputation en füt trop serieusement 
atteinte, Paul de Gondi, avant d’&tre coadjuteur, mais 
deja en soutane, avait eu plusieurs duels; on les lui 
pardonnait facilement. Ev&que, coadjuteur, et sur le 
point d’&tre nomme cardinal, pendant la Fronde, il n’al- 
lait au Parlement que bien arme; Beaufort, le roi des
	        
Waiting...

Note to user

Dear user,

In response to current developments in the web technology used by the Goobi viewer, the software no longer supports your browser.

Please use one of the following browsers to display this page correctly.

Thank you.