LA GUERRE FRANCO-ALLEMANDE. 489
Pour couvrir la retraite et defendre V’acces de la route, il res-
tait A Mac-Mahon, en reserve, une division de cuirassiers, huit
batteries, un regiment d’infanterie, le 1° tirailleurs algeriens.
Ces forces furent successivement sacrifiees. Mac-Mahon en-
gagea d’abord les quatre regiments de cuirassiers, qui char-
gerent sur Elsasshausen dans les m&mes conditions ou leurs
camarades avaient charge une heure plus töt ä Morsbronn : ils
furent 6charpes, sans pouvoir joindre l’ennemi. Les batteries,
amendges A leur tour en avant de Froeschwiller. avalent ä peine
pris position que servants et attelages etaient fauches par la
fusillade, l’ennemi tirant a cinquante metres : douze pieces tom-
baient aux mains des Allemands. Alors apparurent les tirail-
leurs. L’avant-veille, ils avaient combattu toute la journee ä
Wissembourg. Ils etaient 1700. Deployes en ligne, comme AJa
parade, sans tirer un coup de feu, criant d’une seule voiX: « A
la baionnette! », ils s’elancerent. Rien ne tint devant eux. En
quelques minutes, ils reprenaient les pieces perdues, le village
d’Elsasshausen et, toujours courant, poursuivaient les Allemands
jusqu’4 la lisiere d’un bois. Lä, contre un ennemi bien ä cOU-
vert, leurs charges, trois fois renouveltes, furent vaines. Quand
les tirailleurs, decimes par la mitraille, se retirerent, ils lais-
saient sur le terrain 800 hommes, la moitie de leur effectif.
La charge des tirailleurs, la resistance acharnee de quelques
debris de regiments qui, dans Freeschwiller incendie, bombarde
par 102 pieces, lutterent jusquä quatre heures, permirent la
retraite sur Reichshoffen. L’ennemi epuise ne poursuivit pas les
vaincus. Francais et Allemands avaient chacun plus de 10000
hommes hors de combat.
Le soir, le Prince Royal victorieux ecrivait ä sa möere, la
reine de Prusse : « Il n’a fallu rien moins que Vadmirable
Constance de nos soldats pour abattre les heros de l’armee fran-
caise, Emportes par une veritable furie, inconscients du peril,
voulant vaincre ou mourir, les Francais Offraient un spectacle
digne des plus grandes Gpopees. Quelle vaillance des deux
parts! et si les vainqueurs ont le droit d’&tre fiers, quel respect
ne doivent-ils pas aux vaincus! »
En arrivant & Reichshoffen Mac-Mahon s’6tait &vanoui de dou-
leur. Quand il revint & Iui, il fut pris d’une crise de larmes.
Alors un vieux soldat s’approchant ; . Monsieur le Marechal,
dit-il doucement, pourquoi pleureZ-Vous ? ATONS-NOUS donc refuse
de monrir? »