190 LA FRANCE SOUS NAPOLEON.
sage les moindres chuchotements des mecontents ». Lc
secret des lettres ne fut plus respecte.
Suppression de la liberte individuelle. — Bien que la
liberte individuelle füt solennellement garantie par la
Constitution, les arrestations arbitraires pour motifs poli-
tiques se multipliaient chaque jour; elles etaient en
quelque sorte sanctionnees par le retablissement officiel
de huit prisons d’Etat, de huit Bastilles, ou tout individu
repute dangereux pouvait etre detenu indefiniment sans
jJugement.
Victor Jacquemont a raconte dans une lettre emue le
traitement inflige a son pere, ancien membre du Tribunat,
coupable uniquement d’&tre reste l’ami de quelques repu-
blicains. « Un dimanche, dit-il, des gens de police vinrent
envahir notre maison; ils enleverent les papiers, fouil-
Jerent partout, pıris emmene&rent mon pere. Pendant onze
mois, il resta enferme dans une chambretroiteet obscure;
quand il sortit enfin de cette prison, ce fut pour subir un
exil qui dura autant que l’Empire... Ces arrestations, ces
exils, et quelquefois ces meurtres n’etaient ordonnes que
par la police. Mon pere n’a jamais vu la figure d’un juge
d’instruction. Et cependant, les lois sur la liberte indivi-
duelle etaient alors les memes qu’aujourd’hui. Le Code
edictait contre les auteurs de detentions arbitraires les
memes peines qu'aujourd’hui... » Cette rigueur, avec
laquelle fut traite un homme lie par une vieille amitie
avec les plus illustres senateurs, laisse & penser quelles
eruautes furent commises alors contre des malheureux
sans appui et sans nom.
Conclusion. — Il faut se rappeler ces tristes cötes du
regime imperial, pour comprendre les causes de son
instabilite. Il n’avait pas jete de racines profondes dans
le pays, et ne pouvait pas posseder cette affection rai-
sonn6e de la partie pensante de la nation, qui seule
peut Eire un gage de durege. Comme l’a dit un grand
orateur, Berryer, « Vl’Empire vivait uniquement sur
la victoire; quand la victoire Iui fut infidele, ’Empire
n’exista plus. »