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LA FRANCE SOUS NAPOLEON.
Le trait dominant de la periode napoleonienne, quand
on la compare a& la periode precedente, c’est qu’alors,
dans la vie d'un homme de la classe ouvriere ou de la
classe moyenne, le soin ou la preoccupation des atfaires
publiques tiennent une place beaucoup moins conside-
rable. La vie publique dans la rue avait entierement dis-
paru: plus de manifestations tumultueuses, plus de
journges, les clubs etaient fermes. Dans l’interieur m6&me
de sa maison, le bourgeois ne retrouvait plus rien qui
tournät son esprit vers les choses de la politique : nous
savons que la plupart des journaux avaient ete sup-
primes; il n’en subsistait plus que treize a Paris, et comme
ils 6taient en realite rediges sous la surveillance de la
censure et de la police, ils etaient en general d’une rare
insignifiance. Aussi le nombre des lecteurs ne cessa-t-il
de decroitre pendant toute cette &poque : en 1801, il y
avait encore, dans la France entiere, 60 UvO personnes
qui 6taient abonnges & un journal; en 1805, il n’en restait
deja plus que 32 00%, et ce chiffre alla en diminuant chaque
annee jusqu'’a la chute du regime imperial.
Les plaisirs publics. — Les plaisirs et les distractions
du peuple 6taient surveilles par la police avec autant de
sollicitude que ses lectures. D’abord, le nombre des
theätres, comme celui des journaux, futconsiderablement
reduit; les principaux obtinrent des privileges, les autres
durent fermer leurs portes,
Ceux qui furent conserves etaient soumis A la censure
pr6alable la plus 6troite; lesmoindres allusions politiques
6taient severement proscrites. On interdit une tragedie
de Guillaume le Conquerant parce que les spectateurs
auraient pu y voir une allusion a l’echec du camp de Bou-
logne; un Don Sanche, parce que la piece se passait en
Espagne, etc. Le despotisme de Louis XIV laissait cer-
tainement plusde liberteau theatreque celui de Napoleon;
celui-ci l’a reconnu lui-meme: « Je n’hesite pas A dire,
3voua-t-il un jour en parlant de Tartufe, que si la piece
güt 616 composGe de mon temps, je n’en aurais pas per-
mis la representation »,