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LA ROYAUTE FRANGAISE,
Le roi devient un protecteur pour les opprimöes, un juge arm6
sontre les brigands feodaux. Les hbourgeois des communes 685-
perent de lui le maintien des libertes qu'ils ont acquises, et
Vl’Eglise, expos6e aux violences des nobles, espere de Iui le main-
ıjen de ses privileges et de ses richesses.
Songez & l’etat de notre pays en ce temps-1A. Il y a partout des
seigneurs grands et petits, partout des chäteaux armes en
guerre. Supposex quil y ait aujourd’hui en France, dans chacun
de nos cantons, un seigneur, relevant d’un suzerain, qui serait le
seigneur de tout le departement ; que les seigneurs du canton se
fassent la guerre entre euX; que le seigneur du departement fasse
ja guerre a ceux des departements voisins. C'est partout le ravage,
l’incendie et la misere. Mais supposez quwil y ait dans un ces depar-
tements, un seigneur superieur aux autres, qu’on appelle le roi, et
qui force tous ces batailleurs & faire juger par lui leurs querelles.
Supposez qu'il aille partout ä cheval, casque en tete, cuirasse sur le
dos, et qu'il fasse une rude guerre aux guerroyeurs. Alors tous
ceux qui souffrent se tourneront vers Jui; is Zui donneront leur
fidelite, leur amour, leur sang; jls combattront avec lui, parce
qu'ainsi, ils combattront pour eux-mömes. C'est exactement ce
qui s’est passe au temps de Louis VI.
Mais la royaute ne grandit d’abord que bien lentement. Suger,
pour nous montrer que son roi est tres puissant, nous dit que son
autorite s’etendait jusqwau fond.du Berry. Or le Berry est &
quelques lieues de Paris. 1 semblait alors que ce füt le hout du
monde.
6. Le domaine s’aceroit et l’autorite se fortifie. — Les
progres de la royaut#se sont faits de deux facons differentes. 1° Les
rois ont accru leurs domaines, tantöt par des confiscations, comme
Philippe-Auguste, tantöt par des mariages et des heritages, COMME
la plupart de nos rois. 2” 11s ont fait penetrer leur autorite jusaue
dans les domaines des seigneurs feodaux.
7. Le roi devient le juge supreme. — Le roi voulut &tre
le juge de tous les Frangais, de ccux qui habitaient dans les do-
maines des seigneurs,comme de ceuxX qui habitaient dans son propre
domaine. Il n’empecha point pour cela les seigneurs d’avoir leur
cour de justice, mais il voulut que L0us CeuX qui se truuvalent mal
juges par la cour d’un seigneur pussent en appeler & son parle-
ment. C'est ainsi qu’aujourd’hui, cetui qui se Lrouve mal juge par
un tribunal de premiere instance demande & 1a cour d’appel, 0ü il
ya des juges superieurs en dignite, de le juger une seconde fois.
Les grands vassaux essayerent de s’opposer & cette reforme
salutaire. Au temps de saint Louis, un seigneur avait &te condamne
par le comte de Poitiers ä perdre son chäteau. Il en appela au
roi. Le comte de Poitiers mit le seigneur en prison. Saint Louis
Vapprit. Le comte de Poitiers etait son frere, mais saint Louis sa-
Vvait faire respecter son autorite meme par ses fröres. Il rappela