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d’abord; elle defend le terrain pied & pied; puis, comme
ä regret, elle monte lentement les degreös de la salle, par
le couloir du centre, qui conduit ä la porte placee au-
dessous de l’horloge. Arrivee aux derniers bancs, elle s’arrete
et s’assied, resolue ä ne pas encore abandonner la place.
La tribune est occupee successivement par les avocats
Marie et Gremicux qui reclament un gouvernement provissire,
car, disent-ils, la rögence n’est plus possible. Odilon Barrot
arrive, annonce officiellement l’abdication, adjure la Chambre
de sauver le pays de la guerre civile et il croit que la regence
de la duchesse d’Orleans offre lcs gages les plus rassurants
de liberte. La duchesse se reprend & esperer. Mais des
bandes nouvelles qui reviennent de devaster les Tuileries,
ont penetre au Palais Bourbon : une foule houleuse,
bruyante, bigarree, s’est emparee des gradins inferieurs de
la Chambre, tandis que les döputes refoules ont gagne les
gradins superieurs, Les eris : « Nous voulons la decheance
du roi! la decheance, 1a decheance! » retentissent de Loutes
parts. La duchesse d’Orleans, comprenant enfin que la partie
est perdue, cede aux sollicitations des deputes qui l’entourent
et se retire. Ledru-Rollin, Lamartine s’emparent de la
tribune ; leur voix eloquente, aimee de la foule, est ecoulde :
ils reclament tous deux la nomination d’un gouvernement
provisoire et la consultation du pays tout entier. Le discours
de Lamartine est interrompu par une nouvelle irruption
d’insurges et par les cris : « A bas la Chambre! plus de
deputes! » Un homme du peuple, arme d’un fusil, met en
joue dans la direction de la tribune, le tumulte devient
effroyable. « Ne tirez pas, IuL crie-L-on, c’est monsieur de
Lamartine qui parle », et une main vigoureuse releve le
canon du fusil. Le president Sauger, qui, Jusqu'a ce momenl,
n’a pas quitte son fauleuil, se couvre et disparait subilement.
De fait, ceite fois, la seance est bien levee, il n’y a plus
trace de Chambre des deputes.
C'est la foule qui la remplace. On hisse au fauteuil presi-
dentiel le vieux Dupont de Eure, puis on lance au peuple
les noms les plus connus des chefs de lopposition : Arago,
Lamartine, Ledru-Rollin, Garnier-Pages, Cremieux, Ces
CHAPITRE II.