N LECTURES HISTORIQUES,
succederent au camp des infideles, furent 6conduites sans
reponse. Encore un peu de temps, et il ne resterait plus rien de
V’armee chretienne.
» Jean de Brienne resolut de tenter un dernier effort. 11 con-
naissait 1’Orient, ses meurs et ses princes. Vers le lever du jour,
au moment des ablutions et des prieres, il sortit seul du camp
des chretiens et marcha vers celui des infideles. 11 y entra scul,
le casque royal en t6te, se fit montrer la tente du sultan, en
souleva la portiere, et, sans proferer une parole, vint s’asseoir
dans l’angle de la piece odlı Malek 6tait assis. Le sultan ne
temoigna aucune surprise, et le salua d’un simple signe de tete.
Les serviteurs qui l’entouraient sortirent ; et les deux souverains
demeurerent assis, conservant l’un envers l’autre un 6gal et
respectueux silence. Mais, au bout de quelques moments, Malek
vit rouler des larmes sur les joues du roi de Jerusalem. « Sire
» TOOL, dit-il, qu’as-tu &a pleurer? — Sire, repondit Jean, Dieu
» m’a confie un peuple & r6gir et a garder, et je vols ce peuple
» mourir dans l’eau ou perir par la faim : ®’est pourquoi je
» pleure. » Alors le sultan se prit & pleurer aussi, puis il frappa
des mains ; ses esclaves entrerent ; il donna l’ordre qu’on portät
sur-le-champ, au camp des chreiiens, trente mille pains pour les
reiches et pour les pauvres; puis il se refourna vers le roi Jean
et dit : « Le Seigneur est grand et misericordieux. » (PASTORET,
les Croisades.)
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Quaire jours apres, Ja paix etait conclue : les chretiens ren-
dirent Damiette et &vacuerent 1’Egypte. Ainsi finit la cinmui&me
zroisade (1224).
Jean de Brienne revint en Europe. Il courut en France, cet
öternel asile des rois, ol il arriva & temps pour recueillir le dernier
soupir de Philippe- Auguste et une succession de 150000 mares
d’argent. Il passa ensuite en Angleterre, d’ol il ne rapporta que
de belles promesses; en Espagne, olı il 6pousa, malgr6 ses
soixante-ireize ans, Berangere, fille d’Alphonse IX de Castille
1224); en Halie, odı il maria sa fille Yolande avec l’empereur
Frederic II (1225).
« L’empereur et le roi de Jerusalem s’aimerent bien tout
» d’abord, » dit avec naivete un chroniqueur italien, Jean espe-
rait que son gendre allait l’aider ä reconquerir sa capitale, mais
il se trompait; Frederic ne se pressa pas de passer en Terre
Sainte ; il pretendit en outre que, par le fait de son mariage, il