LECTURES ET EXERCICES DE MEMOIRE. 549
VERS.
LE PASSAGE DU REIN (@), PAR BOILEAU (5).
Au pied du mont Adule (c), entre mille roseauX,
Le Rhin, tranquille et fier du progrös de ses eaux,
Appuye d’une main sur son urne penchante,
Dormait au bruit flatteur de son onde naissante :
Lorsqu'un cri, tout & coup suivi de mille cris,
Vient d’un calme si doux retirer ses esprits.
Il se trouhle, il regarde, et partout Sur ses rives
11 voit fuir a grands pas ses Naiades craintives,
Qui, Loutes accourant vers leur humide roi,
Par un recit affreux redoublent son effroi.
1 apprend qu'un heros, conduit, par la Vietoire,
A de ses bords fameux fletri l’antique gloire ;
Que Rhimberg et Vesel, terrass6s en deux Jours,
D’un joug d6jä prochain menacent tout Son Cours,
Nous l’avons vu, dit l’une, alfronter la tempete
De cent foudres d’airain tournes contre sa L6ete,
JI marche vers Tholus, et tes flots en courrouXx.
Au prix de sa fureur sont tranquilles et doux.
Il a de Jupiter la taille et le visage!
Et, depuis ce Romain, dont l’insolent passage
Sur un pont en deux jours trompa tous les efforts (d),
Jamais rien de si grand n’a paru sur tes bords.
Le Rhin tremble et fremit A ces tristes nouvelles;
Le feu sort ä travers ses humides prunelles;
« C'est donc trop peu, dit-il, que l’Escaut en deux mois
« Ait appris A couler sous de nouvelles lois;
« Et de mille remparts mon onde environnee
«x De ces fleuves sans nom suivra la destinge!
(a) Voir meme Cahier, page 50.
(3) Botleaw (Nicolas), surnomm& Despreaux, n& en 1636, &
Paris, mort en 1714, ä sa maison de campagne d’Aufeuil, pres
Paris, ’un des plus celebres de nos poetes du premier ordre,
Son Art poetique, son Lutrin, ses Epitres, sont des @uvres
monumentales de goüt et de siyle puetique, dans lesquels }l a
souvent atteint une perfection qui les fera toujours rester pour
modelle,
(c) Le mont Saint-Gothard
(d) Jules Cesar,